La musique avant tout

    Au terme de cette recherche, il apparaît que l’important dans la prise de son et le mixage des musiques mixtes serait de rendre musicale une situation d’écoute hors concert, c’est-à-dire de re-créer du musical à partir d'une dimension simplement sonore, et ce même pour une écoute à la maison. L’enjeu pour l’ingénieur.e du son est en fait de régénérer chez l’auditeur.rice des éléments sonores avec lesquels il ou elle pourra apprécier l’œuvre et sa réalisation, tout en restant fidèle aux intentions du compositeur ou de la compositrice, mais également en s’engageant réellement d’un point de vue artistique et esthétique.

    À vrai dire, il n’y a de toute façon pas d’enregistrement parfait de référence, il s’agit toujours d’une interprétation, que ce soit dans le domaine des musiques mixtes ou non. Il n’est tout simplement pas possible de réaliser un enregistrement neutre, et cela n’est d’ailleurs pas souhaitable : comme nous l’avons vu au cours de cet exposé, il est important d’expliciter certains éléments du discours musical qui pourraient être incompréhensibles ou peu perceptibles à l’écoute de la pièce, en raison d’une réduction acoustique et sonore, sensorielle, visuelle, contextuelle… L’écoute hors concert est totalement privée de nombreux facteurs qui participent normalement au musical en situation de concert.

    Dans la musique mixte particulièrement, il s’agit non seulement d’interpréter ou d’expliciter la partie instrumentale, mais également la partie électronique et surtout leurs interactions. Les jeux de spatialisation ou de question/réponse entre un instrument et l’électronique, par exemple, nécessitent un traitement particulier lors de la prise de son et du mixage. L’enregistrement des musiques mixtes pose question au niveau des différences de plans sonores entre l’instrumental et l’électronique, comme nous l’avons dans les trois expériences dont il était question dans ce travail. 

    Par ailleurs, l’esthétique et les prises de position d’une prise de son et d’un mixage dépendent également tout à fait de la destination finale de l’enregistrement : les décisions prises par l’ingénieur.e du son ne seront pas les mêmes dans une démarche d’archivage, de médiation ou de diffusion commerciale.

    Ce travail sur la prise de son et le mixage des musiques mixtes m’a permis de réaliser et de conscientiser le fait qu’il n’existe pas d’enregistrement parfait, mais qu’il est de la responsabilité de l’ingénieur.e du son de proposer une esthétique et une interprétation qui lui sont propre. Les différentes propositions de mixage pour une même pièce peuvent varier drastiquement d’un ingénieur.e du son à un autre, et tant mieux. À partir de là, on peut d’ailleurs se poser la question suivante : Peut-on parler de réécriture lorsqu’il s’agit d’enregistrer et de mixer une pièce de musique mixte ?